La pensée de Montesquieu
La loi et la libertéPhilosophe à l’esprit libéral et rigoureux, Montesquieu s’inscrit parmi les grands penseurs du 18e siècle. Contemporain de Voltaire, Rousseau, Marivaux, Diderot et d’Alembert, l’utopiste et sociologue avant la lettre nait en 1689 dans une famille de magistrats de bonne noblesse de robe au château de La Brède.
En 1721, il publie de manière anonyme les « Lettres persanes ». Ce roman épistolaire réunit une correspondance fictive entre deux voyageurs persans et leurs amis respectifs. Cette satire de la société française dénonce à travers un regard étranger les dysfonctionnements de la société française et offre au lecteur un portrait critique de Louis XIV : un roi vieux, narcissique, avide de pouvoir et particulièrement autoritaire.
Son œuvre capitale « De l’esprit des lois » publiée en 1748 développe sa réflexion sur la répartition des fonctions de l’État. Sa pensée est à l'origine du principe de distinction des pouvoirs législatif, exécutif et judiciaire, base de toute république. Sa conception de séparation des pouvoirs conteste la structure en trois États de la monarchie française : le clergé, l'aristocratie et le peuple, effaçant ainsi le dernier vestige du féodalisme.
La pensée de Montesquieu influence particulièrement Catherine II de Russie. Celle-ci avoue avoir plagié l’auteur de « De l’esprit des lois » pour rédiger le Nakaz, traité de philosophie politique édité en 1767. Elle reprend notamment de lui le principe de la séparation des pouvoirs et condamne le servage à défaut de l’abolir.
Après sa mort, les idées de Montesquieu sont souvent radicalisées et ses idées détournées en réinterprétant les principes de son gouvernement monarchique. Lors de la Révolution française, les révolutionnaires monarchiens (partisans d’une monarchie constitutionnelle fondée sur le modèle britannique) tentent en vain de les faire adopter par l'Assemblée constituante pour contrer l'abbé Sieyès, partisan de la rupture avec tout héritage et tout modèle. L’ouvrage de Montesquieu inspire les auteurs de la constitution de 1791, mais également des constitutions suivantes.
Un aristocrate qui aime la monarchie
Le paradoxe de sa penséeLouis Althusser, philosophe marxiste, décrit Montesquieu comme un libertin partagé entre la problématique des contre-pouvoirs féodaux et le désir de grandeur parlementaire. Montesquieu appelle en effet à une alliance des privilégiés (bourgeoisie et aristocratie) contre les aspirations populaires. La monarchie demeure la formule préférée de l’auteur, mais à condition de que celle-ci ne dérive pas en monarchie absolue. C’est ainsi qu’il note la nécessité de « lois fixes et établies » et de pouvoirs intermédiaires assurés par la noblesse et les ecclésiastes.
Aristocrate et bon catholique, Montesquieu, contrairement à Voltaire, n’est pas en révolte contre la société de son temps. Héritier de la baronnie de La Brède et bon gestionnaire de ses biens, il est soucieux de sa réputation et habitué des « salons ». Sa pensée échappe finalement au caractère radical de la philosophie des lumières.